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Sainte-Soline : un an après, sept nouvelles condamnations à l’égard de manifestants

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Des peines allant d’amendes jusqu’à neuf mois de prison avec sursis ont été prononcées jeudi 28 mars par le tribunal correctionnel de Niort contre sept personnes reconnues coupables d’infractions lors des événements de Sainte-Soline en mars 2023.


Niort (Deux-Sèvres).– Ils étaient sept à répondre de diverses infractions en marge des événements de Sainte-Soline il y a tout juste un an, le 25 mars 2023. Tous ont été condamnés ce jeudi à diverses peines par le tribunal correctionnel de Niort.

Ces sept hommes, aux parcours distincts, âgés de 23 à 53 ans et résidant aux quatre coins de la France, ont écopé de deux à neuf mois de prison avec sursis ou d’une amende, assortis la plupart du temps d’une interdiction de revenir dans les Deux-Sèvres pendant deux à trois ans.

Trois d’entre eux étaient sous le coup d’une procédure engagée à leur égard par le parquet de Niort à la suite de leur interpellation en marge de la manifestation de Sainte-Soline. Au volant de sa voiture, Noé H. avait refusé de s’arrêter aux trois postes de contrôle installés hâtivement par les militaires sur la départementale alors que c’était le chemin emprunté par les manifestant·es pour quitter le rassemblement, parfois blessé·es, souvent hagard·es, à l’issue d’une journée marquée par la violence du dispositif de maintien de l’ordre et par des affrontements entre black blocks et gendarmes. Gilles O., lui, s’était fait arrêter pour détention de « pochons d’ecstasy ». Quant à Aurélien L., il transportait une « hache, un bidon d’essence, des feux d’artifice et des boules de pétanque » dans le coffre de son véhicule alors qu’un arrêté préfectoral en interdisait le transport et la détention.

Trois autres militants avaient fait l’objet d’une enquête menée par la section de recherche de Poitiers qui avait notamment eu recours à des outils controversés tels que la reconnaissance faciale. Il était ainsi reproché à Guilhem P., charpentier, d’être allé, le jour de la manifestation, « au contact » des forces de l’ordre qui s’étaient déployées au pied de l’important dôme de terre, le chantier de la mégabassine de Sainte-Soline, et de les avoir visées par des « jets de pierre » et de son « pointeur laser », un instrument en vente libre mais qui dans certaines conditions peut provoquer des lésions oculaires.

Quant à Stéfan L., les enquêteurs et le parquet de Niort ont estimé que des images le montrant avec « une bouteille de verre dans la poche » et en train de brandir deux doigts d’honneur à l’intention des militaires valaient preuves de culpabilité.

Devant les magistrats, ce dernier se défend.

« En garde à vue vous avez dit vous être trouvé près des black blocks, entame Igor Souchu, le président du tribunal correctionnel de Niort.

— Je me prenais des grenades dans tous les sens, j’ai voulu me protéger derrière eux, répond Stéfan L.

— Et ces doigts d’honneur ?

— Je l’ai fait envers un ami journaliste, pour plaisanter.

— En pleine manifestation, ça tire de partout, vous faites partie des black blocks et vous, vous faites un doigt d’honneur à un ami journaliste ?

— C’était un coup de folie.

— Et vous reconnaissez cet ami à plus de 200 mètres ? Vous avez une bonne vue ?

— Je ne suis pas un délinquant, je suis un militant politique. Je ne croyais pas qu’il y aurait autant de violence.

— Quand on va à une manifestation interdite, on prend le risque. »

« Personne ne devrait courir le moindre risque pour sa vie en allant à une manifestation publique ! Accepter cela, c’est accepter que dans la violence de l’État il y a un effet dissuasif ! », s’indigne quelques minutes plus tard Raphaël Kempf, avocat de la défense, à l’adresse du président Souchu.

##23 ans et de l’aplomb

Pour deux majeurs pointés à la cantonade, « un geste outrageant qui doit être sanctionné d’une peine d’emprisonnement à la mesure du trouble qui abîme la société » selon la représentante du ministère public, une peine de quatre mois de sursis a été prononcée. Pour la hache et les boules de pétanque, « des éléments inquiétants avec un potentiel létal et d’infirmité » pour le ministère public, 1 000 euros d’amende. Pour le laser et le jet de pierres, neuf mois avec sursis. Pour Paul B. qui avait survolé les contingents policiers et militaires de son drone et portait sur lui « une cagoule, une fronde et un masque à gaz », 500 euros d’amende et l’interdiction de faire voler un aéronef pendant deux ans. Pour tous, l’obligation de « se tenir à carreau pendant cinq ans », sous peine de voir le sursis se muer en prison ferme.

Et puis vint Tanguy B. Il n’a que ses 23 ans et son aplomb pour se présenter à la barre, sans avocat, seul face au président du tribunal et au ministère public. Serait-ce lui enfin, l’un de ces « éléments radicalisés » qui, depuis deux ans, hantent par leur absence les procès des manifestant·es antibassines ?

Il est reproché à Tanguy B. d’avoir « voulu en découdre » et d’avoir tenu un bâton.  « Les hélicoptères tournaient au-dessus de nous. On entendait déjà les heurts et on voyait les fumées. J’ai eu peur, j’ai ramassé ce que j’ai pu sur le chemin, un bout de bois, en me disant que je pourrais me défendre contre les forces de l’ordre. »

« Mais vous criiez même “Grenade” ! Vous préveniez qu’il y avait des grenades », fait remarquer le président. « Et alors ? La première personne qui tombe sous mes yeux je lui avais crié “Grenade” pour qu’elle l’évite mais elle s’est retrouvée avec un trou traversant la fesse. J’ai dû l’évacuer en faisant des points de compression. Avez-vous des images de moi montrant que j’incendie des véhicules, que je commets des violences ? », rétorque Tanguy B.

Plus de 5 000 tirs de grenades ont été effectués par les forces de l’ordre le 25 mars 2023. Au total, 47 gendarmes et 200 civils ont été blessés, lors de la manifestation de Sainte-Soline.

Verdict : deux mois de prison avec sursis pour cette vingt et unième personne condamnée depuis les rassemblements à Sainte-Soline.

Dans le même temps, les enquêtes qui concernent les civils, blessés lors de ces événements, s’éternisent. À ce stade, quatre enquêtes préliminaires ouvertes à Niort ont été transférées au parquet de Rennes, compétent en matière militaire, et confiées à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN). Aucun gendarme, qu’il soit tireur ou responsable du dispositif, n’a été mis pour l’heure en cause par la justice.

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